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Michel J. Cuny lit et commente Edmund S. Phelps, prix Nobel d'économie 2006
17 novembre 2011

16. D'abord et avant tout : le travail

    En admettant que l'on ne connaisse Adam Smith que pour avoir parcouru jusqu'à la troisième page sa désormais universellement célèbre "Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations", on ne peut plus ignorer à quel point il fait du travail le créateur de toute richesse économique : "Le travail annuel de chaque nation constitue le fonds premier qui lui fournit tout ce qu'elle consomme chaque année en nécessités et commodités de la vie, et celles-ci sont toujours le produit immédiat de ce travail ou ce qui est acquis avec ce produit auprès d'autres nations."

    Et si le lecteur n'a pas vendu son âme à la prétendue détermination de la valeur économique par la loi de l'offre et de la demande (ce qu' E.S. Phelps appelle la "valeur de rareté"), il pourra tenir compte de ce qu'Adam Smith lui indique à la page 37 : "[...] la valeur d'une marchandise, pour l'individu qui la possède et qui a l'intention de ne pas en faire usage ou de ne pas la consommer lui-même mais de l'échanger contre d'autres marchandises, est égale à la quantité de travail qu'elle lui permet d'acquérir ou dont elle lui permet de disposer. Le travail est donc la mesure réelle de la valeur échangeable de toutes les marchandises."

    Quant à ce que signifie le terme "travailler" du point de vue de celle ou de celui dont c'est l'activité nécessaire pour simplement subvenir à ses besoins, il n'y a pas à tergiverser : "Le prix réel de toute chose, ce que toute chose coûte réellement à l'homme qui veut l'obtenir, c'est la peine et le mal qu'il a pour l'obtenir." (page 37, encore)

    Inversement, pour le possesseur d'un produit du travail : "Ce que toute chose vaut réellement pour l'homme qui l'a acquise et qui veut la céder ou l'échanger contre quelque chose d'autre, c'est la peine et le mal que cette chose peut lui épargner et qu'il peut imposer à d'autres personnes." D'autres personnes qui auront à offrir un équivalent grâce à leur propre travail... Ce qui, bien sûr, ne vaut que pour celles et ceux dont la condition ordinaire de survie est... le travail, justement.

    De tout ceci, E.S. Phelps ne tient pas le moindre compte. Mais laissons-le poursuivre ce qui n'est qu'une consternante affabulation : "En d'autres termes, la thèse de Smith est que le motif de profit qui anime les entreprises et la recherche, par les propriétaires des ressources, des conditions de rémunération les meilleures parmi celles en vigueur, serviraient, dans le cadre de marchés libres et concurrentiels, à éliminer les inefficiences : les producteurs, intéressés par leur profit, chercheraient à produire au coût le plus bas possible, et économiseraient donc chaque ressource en fonction de son coût, ou prix ; et les propriétaires des ressources, intéressés par leur revenu, s'assureraient qu'aucun producteur ne bénéficie d'un prix avantageux, inférieur au taux pratiqué partout et donc inférieur au coût d'opportunité ; de sorte que seuls les producteurs qui feraient l'usage le plus productif d'une ressource pourraient se permettre de l'employer."

    Que dit donc Adam Smith de ces travailleurs que le prix Nobel d'économie 2006 veut à tout prix ranger parmi les propriétaires de ressources "intéressés par leur revenu" et s'efforçant d'obtenir "des conditions de rémunération les meilleures parmi celles en vigueur"? De quelle force sont donc les "aspirations" de ces gens-là? Comment les feront-ils valoir? Auprès de qui? Et avec quel résultat?

    Pour mieux comprendre cela, il faut au moins aller jusqu'aux pages soixante-dix du premier livre de la "Recherche..." d'Adam Smith. Or, il devient décidément de plus en plus clair que la roublardise du professeur Phelps nous interdit désormais de relâcher notre effort... et de négliger d'y aller voir nous-mêmes.

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