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Michel J. Cuny lit et commente Edmund S. Phelps, prix Nobel d'économie 2006

20 décembre 2011

37. Quand l'économie savante établit délibérément sa "science" sur la confusion employeurs-salariés

    Après avoir été témoins de l'angoisse qui se saisit d'Edmund S. Phelps dès qu'il croit être en présence de conditions de travail dont l'amélioration menace de ne pas se traduire très rapidement par une baisse de salaire, nous sommes très curieux de voir comment ces possibilités d'obtenir un gain prétendument mutuel grâce à la coopération à l'intérieur des frontières nationales pourrait s'étendre aux relations avec les pays étrangers.

    Nous nous engageons dans cette discussion à travers une remarque qu'il ne faudra pas perdre de vue, dans la mesure où elle souligne d'emblée ce fait que la cible principale est la main-d'oeuvre... En effet, et c'est E.S. Phelps qui le souligne : "L'une des spécificités de la coopération internationale tient à ce que le travail n'est pas très mobile au-delà des frontières nationales - beaucoup moins, en tout cas, qu'à l'intérieur des frontières."

    En bonne logique - s'agissant d'un auteur dont la fonction essentielle est de servir à masquer la question de l'exploitation -, cette rapide allusion à la poule aux oeufs d'or (le travail en tant qu'il est l'unique créateur de la valeur économique) n'est mise là que pour satisfaire les initiés : elle ne sera donc pas développée davantage, comme si elle n'était pas - ce que cette petite phrase affirme pourtant - au coeur même des relations économiques internationales...

    Sur cette question, notre professeur d'économie ne s'aide pas d'Adam Smith, mais de David Ricardo, dont il faut dire immédiatement qu'il avait une conscience encore plus développée que son prédécesseur de ce que la source de la valeur économique est dans le travail... Ainsi donc, rien dans les analyses de David Ricardo ne peut jamais échapper à cet élément fondamental.

    Comment notre prix Nobel va-t-il s'y prendre pour l'escamoter? C'est là tout le sel du spectacle auquel il nous convie maintenant.

    Le numéro commence par ceci : "Prenons le cas de l'Angleterre et du Portugal, dit Ricardo. Ces deux pays produisent du drap et du vin au moyen de leurs dotations respectives de terre et de travail, l'une et l'autre pleinement employés." Sur les deux marchés intérieurs, drap et vin apparaissent abstraction faite de la diversité de leurs qualités intrinsèques, et donc de l'éventuelle différenciation de leur prix. Dans l'un comme dans l'autre des deux pays, ni la qualité ni le prix d'un morceau de drap ne peut servir à le différencier dans la masse de la production de drap. De même pour le vin. Par contre, d'un pays à l'autre, les prix (alignés sur les circonstances naturelles, historiques et humaines propres à chacun) diffèrent selon l'avantage comparatif qui fait de l'Angleterre un meilleur producteur de drap, et du Portugal un meilleur producteur de vin.

    Or, comme le souligne E.S. Phelps : "Ce qui importe pour l'échange, c'est l'avantage comparatif." Nous sommes donc dans une affaire de vases communicants, à condition que le commerce international s'en mêle. Mais de vases communicants à effet sélectif, au sens où leur mise en fonction peut se faire à la satisfaction exclusive de certains intervenants... De cela, dans un premier temps - le temps tout juste de nous tromper sur sa marchandise - le professeur Phelps ne nous dira rien...

    Il lui faut tout d'abord nous asséner cette "vérité" très générale : "Ricardo démontra alors que, du fait de l'existence d'un tel avantage comparatif, les viticulteurs portugais et les producteurs anglais de drap pouvaient s'entendre sur des termes de l'échange du vin contre du drap qui étaient mutuellement bénéfiques." Mieux même, au-delà de ces protagonistes de premier plan : "Un tel commerce peut donc engendrer des gains dans les deux pays."

    Et aucune perte pour personne?

    Mais alors, cette valeur économique supplémentaire est tout bonnement un cadeau du Ciel! Comment est-ce possible? Ou bien Ricardo, tel qu'il apparaît ici, nous aurait-il floués à son tour, grâce à quelque talent de bonimenteur?...

    Seul le professeur Phelps pourra nous tirer de ce petit moment d'incrédulité que déjà nous regrettons tant nous avons foi en sa parole.

    

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19 décembre 2011

36. Toujours avoir le souci de bien presser le citron

    Dans les systèmes de travail tels qu'ils sont établis à l'intérieur du capitalisme, la coopération est-elle le résultat de la volonté d'individus attachés à mettre en oeuvre à la fois leurs qualités "naturelles" et l'amélioration que l'expérience peut y apporter pour qu'en fin de compte chacun ou chacune puisse donner le meilleur de soi-même au sein d'une société dont la généralisation de cette attitude rendrait la richesse économique maximale dans la dimension collective tout autant que dans la dimension individuelle?

    Non, bien évidemment, puisque l'appropriation privée des moyens de production repose sur la nécessité, pour les propriétaires de capitaux, d'accaparer très soigneusement les gains de coopération issus de la diversité des travaux qui s'effectuent sous leur direction...

    D'où la pauvreté fondamentale d'un pourcentage important des situations de travail qu'"offre" le salariat. E.S. Phelps, après avoir un peu monté en épingle les activités de sociétés primitives redessinées, dirait-on, par Walt Disney, nous fait la grande concession d'en convenir : "Dans les sociétés technologiquement avancées, au contraire, le travail effectué par la plupart des gens n'a que peu de rapports avec leurs dons et leur éducation. Il se peut qu'un travailleur n'accomplisse qu'une seule opération répétitive ne faisant absolument pas appel à l'ensemble des attributs qui le distinguent des autres travailleurs. Il n'a pas le loisir de produire le bien comme il l'entend, d'exercer son intelligence, de mettre son endurance à l'épreuve - il n'est, en pratique, qu'un robot, une partie de l'équipement au même titre que le tour, la machine à écrire, ou la calculatrice qu'il utilise."

    Et c'est alors que nous allions le féliciter pour cette lucidité sociale vraiment exceptionnelle chez lui, qu'il se donne les moyens de rebasculer dans l'autre camp, et cela ne sera pas sans conséquence comme nous le constaterons après lecture de cette petite citation : "De nos jours, le lieu de travail constitue, pour la plupart des participants de l'économie, un environnement beaucoup moins déplaisant qu'il ne l'était du temps de Marx."

    C'est vrai également : comme quoi, tout est relatif... Mais ne nous laissons pas aller à trop de facilité... Nous sommes en présence ici d'une nouvelle génération de gains de coopération, certains qui ne sont encore que potentiels, d'autres qui sont bien là, mais qui tombent dans l'escarcelle des... travailleurs.

    Pour sa part, notre prix Nobel ne perd surtout pas le nord. Qu'on en juge : "Les questions intéressantes concernent le fait de savoir si cet environnement pourrait être rendu plus stimulant pour les gens qui y travaillent, sans que la production des biens (autres que la satisfaction dans le travail) n'en souffre ; et, dans le cas contraire, si les travailleurs seraient disposés à payer le montant de la réduction de production, ou davantage, sous forme d'une diminution de revenu, et donc de consommation, pour ces améliorations de leurs conditions de travail."

    Nous avons donc la réponse très officielle de l'économie politique universitaire à la question que nous nous posions à propos du sort éventuel des "rémunérations non pécuniaires" dès le huitième paragraphe de la rubrique que nous intitulions : "Quand l'économie politique feint de se saborder." Il faudrait donc qu'elles soient déduites de la paie.

    Nous sommes ici au coeur d'une part significative des perspectives d'intervention qui s'ouvrent aujourd'hui pour une gestion "optimale" des ressources humaines.

    Jusqu'à produire, directement ou indirectement, un effet de résistance individuelle assez significatif : le suicide.

18 décembre 2011

35. Du balayeur à l'ingénieur

    Qu'il s'agisse du résultat d'un raisonnement ou d'une observation de la réalité, nous voyons bien comment la mise sous tension de deux protagonistes rassemblés autour d'une tâche commune a pour conséquence d'augmenter la profitabilité des capitaux investis dans cette tâche et dans les moyens matériels qui en sont la condition.

    Due à l'émulation ou à une combinaison technique établie sur les différentiels de la productivité afférente aux diverses  tâches accomplies respectivement par l'un et l'autre, cette profitabilité ne se développe pas uniquement sur le caractère "absolu" de l'avantage détenu par tel ou tel.

    E.S. Phelps nous rappelle l'embarras de l'ancienne économie politique face à un phénomène apparemment extravagant : "Clairement, il y avait des gens (il y en a toujours) qui ne possédaient aucun avantage absolu et avaient un désavantage absolu en tout ; la vénérable théorie de l'avantage absolu n'était pas en mesure d'expliquer comment ces gens pouvaient trouver leur place dans la production de la société." A remarquer que, pour les besoins d'une démonstration qui, comme on va le voir bientôt, ne peut que déboucher sur d'étonnantes aberrations, E.S. Phelps feint d'oublier la question du niveau de rémunération... 

    En restant dans le cadre de la fiction abusive qu'il développe ici, étudions cependant le cas d'individus n'ayant guère d'autre avantage que d'avoir le désavantage de n'être capables que de manipuler un balai, et à la vitesse d'un fer à repasser très rétif, afin de n'être pas obligés, pour survivre, d'aller mendier dans les rues... Nous allons voir que, même dans ce cas extrême, il y aurait, selon l'analyse qu'en fait ici E.S. Phelps, de quoi réaliser, en les employant, un gain indirect de productivité  sur leur dos...

    Allons donc! Est-ce vraiment possible?... La certitude n'en a pas été établie de bonne heure, ainsi que le regrette notre prix Nobel, mais "on comprit enfin que ce n'était pas vraiment l''avantage absolu' qui faisait que la collaboration pouvait se traduire par un gain d'efficience. Il n'est pas nécessaire qu'un travailleur soit 'plus rapide' dans une tâche donnée pour que sa collaboration avec un autre conduise à une production totale plus importante. En contribuant à la tâche dans laquelle il est comparativement rapide (et donc l'autre comparativement lent), il est à même de libérer un peu du temps que l'autre consacrait auparavant à cette tâche, augmentant ainsi le temps que ce dernier peut consacrer à la tâche dans laquelle il est lui-même comparativement plus rapide."

    Si un ingénieur perdu dans ses pensées peut s'épargner le temps d'aller maladroitement balayer les installations contre la location, par ses employeurs, des bras enkylosés de quelqu'un d'un peu plus lucide devant la tâche à accomplir, et qui, sans cela, ne pourrait que mendier son pain au prix d'une charité qui finirait peut-être par coûter trop cher aux nantis, nous comprenons très vite que, l'un dans l'autre, les propriétaires des capitaux, en même temps que la charité publique, seront gagnants, puisque, pour sa part, Edmund S. Phelps ne peut que faire la constatation suivante : "Avec une cadence plus rapide dans les deux tâches, un meilleur rythme de production est possible."

    Or ici, une idée en entraîne immédiatement une autre. Si les profits croissent parce que l'avantage comparatif de l'un vient renforcer l'efficacité de l'avantage comparatif de l'autre, il peut y avoir mieux encore. Ce serait que chacun des deux développe son avantage : l'augmentation de productivité prendrait bientôt une allure exponentielle. D'où l'intérêt - bien réel celui-ci -, pour le capital, de tout ce qui ressemble à l'amélioration des compétences professionnelles...

    Laissons E.S. Phelps nous indiquer comment fonctionne cette voie à double sens de la croissance de l'avantage comparatif : "Si une personne possède un avantage comparatif dans quelque activité, le fait qu'elle se spécialise dans cette activité - jusqu'à un certain point, en tout cas - se traduit par un gain en termes d'efficience." Et puis : "Lorsqu'une personne se spécialise dans une tâche productive, quelle que soit la raison de son choix, et même s'il n'y a aucune raison, elle acquiert - ou renforce - un avantage comparatif grâce à son expérience de travail."

    Notre malheureux balayeur, lui-même, pour remédier à la concurrence de celles et de ceux qui piétinent par-delà la barrière de la productivité marginale, aurait tout intérêt à décrocher un stage de perfectionnement...

    Répétons, cependant, que, pour les besoins d'une démonstration qui, comme nous venons de le voir, ne peut que déboucher sur d'étonnantes aberrations, E. Phelps a feint d'oublier la question du niveau de rémunération... Une heure d'activité d'un ingénieur n'est évidemment pas rémunérée comme une heure d'activité d'un balayeur... Or, d'une façon ou d'une autre, le salaire horaire correspond à la rentabilité  de l'activité rémunérée : l'échange des tâches ne peut certainement pas s'opérer sur le seul fondement des productivités respectives.

17 décembre 2011

34. Comment on fabrique des marginaux

    C'est donc fait : nous voici passés subrepticement dans le camp des anticipateurs-manipulateurs de capitaux. Les gains de la coopération sont notre affaire à nous. Or, comme E.S. Phelps nous l'assure : "Il existe une règle permettant d'affecter une quantité donnée d'une ressource rare - terre, pétrole, argile - entre deux travailleurs (ou deux équipes) de manière telle que la production totale - somme de leurs productions individuelles - soit aussi importante que possible."

    Faut-il tenter l'aventure d'y aller voir de plus près?... Pourquoi pas? En tout cas, jusqu'à présent nous n'avons pas eu à nous plaindre des qualités pédagogiques du professeur Phelps. Il s'est mis à notre portée, et nous lui en sommes reconnaissants. La suite ne devrait pas nous décevoir. La voici : "Supposons que l'on doive partager une pièce rectangulaire de terre homogène entre notre travailleur rapide et son voisin, plus lent."

    Fascinant! Nous n'avons qu'un regret, c'est de ne pas retrouver ici notre saga des pommes de terre : combien à l'un, combien à l'autre ? à qui les petites, à qui les grosses  ? quel couteau pour l'un, quel couteau pour l'autre?... Mais l'ambiance générale nous convient parfaitement : nos deux cobayes - ou nos deux équipes de cobayes - n'ont rien à dire..., et nous comptons sur leur entier dévouement à la cause de ce qui nous est, à nous, profitable.

    Evidemment, nous ne plaisantons pas : ce sont nos capitaux qui sont directement intéressés à ce que l'épreuve se déroule dans l'extrême "pureté" du système de l'exploitation capitaliste. Nous ne pourrions pas nous satisfaire de résultats approximatifs. L'outil mathématique que nous mettons en oeuvre ici, grâce à notre prix Nobel d'économie 2006, est tout ce qu'il y a de plus précis. Sa fiabilité est très exactement proportionnelle à la bonne volonté que nos exécutants mettront à laisser de côté tout ce qui les ferait dévier de la situation "normale", "banale", de celles et de ceux pour qui la soumission à une activité déterminée est devenue une sorte de sixième sens, ou encore une conscience morale minimale.

    Ce qui ne paraît justement pas être le cas de ceux que l'on qualifie de "marginaux"... Rien à voir sans doute avec notre petite expérience scientifique... Et pourtant... Il suffit de tendre un petit peu l'oreille aux propos de la communauté savante qui est représentée pour nous par E.S. Phelps : "Les économistes appellent produit marginal d'un input la variation de production résultant d'un changement unitaire de l'input en question. Faisant usage de ce concept, nous pouvons dire que le point où la production totale atteint son maximum est caractérisé comme suit : L'augmentation de la production du travailleur le plus rapide résultant de la mise à sa disposition d'une unité supplémentaire de terre compense exactement la diminution de la production du travailleur le plus lent disposant d'une unité de moins. Soit encore, le produit marginal de la terre exploitée par le plus rapide est égal au produit marginal de la terre exploitée par le plus lent."

    N'est-ce pas criant de vérité? Tout juste au-delà du produit marginal, il y a le producteur qui dérape jusque dans la marge... et jusqu'à parfois s'y planter définitivement.

    En effet, les gains de la coopération ne se partagent en aucun cas du côté de celles et de ceux qui travaillent. Car cela mettrait en l'air tous les jolis calculs des experts du produit marginal et de ceux qui, au-delà d'eux, sont les vrais anticipateurs de la profitabilité maximum que leur promettent le calcul à la marge et une honnête croissance de la masse des marginaux qui en sont la garantie dernière.

16 décembre 2011

33. De la coopération à la quantification

    Pour échapper au risque de nous égarer, il va bien falloir que nous en revenions à notre grosse affaire de pommes de terre. A y regarder de plus près, nous voyons que la mise en commun des efforts, si profitable soit-elle au couple dans son entier, ne doit pas masquer les différences individuelles. Selon la dimension des légumes en cause, et selon le type de couteau, etc., chacun des deux protagonistes de ce drôle de drame doit pouvoir apparaître sous son plus beau jour : là monsieur, et là madame. L'un pourra se spécialiser dans les grosses pommes de terre, l'autre dans les petites. Selon que l'un aura subi un apprentissage plus long ; selon que l'autre sera plus ou moins enrhumé et porté à s'interrompre pour se moucher, etc.

    Bref, comme le constate E.S. Phelps : "L'une des raisons importantes pour lesquelles les gens se groupent pour produire est, comme nous allons le voir, qu'ils sont différents : ils ne sont pas identiquement pourvus de tous les dons innés et compétences acquises qui peuvent être utiles dans la production. Ils peuvent tirer avantage de leurs différences pour, ensemble, produire plus efficacement qu'ils ne le feraient séparément. En fractionnant en tâches distinctes le processus de production et en assignant ces tâches d'une manière qui tienne compte des différences entre les travailleurs, un groupe donné de travailleurs non identiques peut produire davantage que ce qui serait produit (en tout) si chacun d'eux peinait de son côté, même en tirant le meilleur parti de ses atouts et de ses faiblesses. Pour que la collaboration soit avantageuse, il n'est pas nécessaire qu'il existe des rendements croissants du travail ou des rendements d'échelle croissants. Une différence dans les dotations des gens rendra la collaboration bénéfique en tout état de cause."

    C'est fort bien dit. Et tout à fait bien pesé.

    Mais cinq lignes plus bas, voilà que cela se gâte parce qu'apparaît la possibilité de la "mesure" : "Si le processus de production n'est constitué que d'une seule tâche, comme la récolte des fruits, il est possible que l'un des travailleurs aille toujours plus vite que l'autre - qu'il soit deux fois plus travailleur, ou 50% plus travailleur, par exemple."

    A l'évidence, nous atteignons ici une simplification extrême, un vrai système de "pure" concurrence qui ne devrait pas tarder à dynamiter la belle idée de "coopération".

    Effectivement, nous n'y coupons pas ! "Deux travailleurs ainsi faits peuvent-ils coopérer utilement?"

    Observons bien cette suite qui se donne d'abord comme très favorable à la solidarité humaine : "Oui, sans doute." Mais tout ceci n'est encore que très conditionnel : "Si la terre et le capital dont ils disposent sont des ressources rares, ces deux travailleurs auront un intérêt mutuel à affecter entre eux ces ressources de manière telle que leur production agrégée soit aussi importante que possible - et à partager (comme ils l'entendent) tout accroissement du 'gâteau total' qui en résulte."

    La parenthèse est, cette fois, presque à rire... ou à pleurer. Quant à la "préférence" qui suit, elle n'est pas mal non plus : "Dès lors, ils préféreront que le 'gros producteur' dispose d'une dotation plus importante, en conséquence, des ressources qui complémentent le travail."

    Mais ce "gros" producteur a-t-il quelque chance d'être l'un des ouvriers? Non, certes, s'il dispose d'une "dotation" comprenant de la terre et du capital. Oui, bien sûr, s'il n'en "dispose" qu'en tant que travailleur soumis à la "dotation" d'un autrui qu'on pourra ranger dans la belle et bonne famille des anticipateurs-autoréalisateurs de profitabilité maximum...

    Mais notre prix Nobel n'est pas gêné le moins du monde de nous livrer tout cela en vrac : il remplit l'office qui est le sien dans la dimension idéologique.

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15 décembre 2011

32. Jusqu'à épuisement des stocks

    Commençons par régler la question du miracle de la multiplication des pommes de terre épluchées... Si elles s'épluchent plus vite en tête-à-tête, c'est que chacun des deux protagonistes produit davantage parce que l'émulation le porte à accélérer ses gestes - à s'exploiter davantage en termes de fatigue, de danger de s'éplucher les doigts par la même occasion, etc... Le miracle des gains de coopération est ici tout simplement une affaire de transpiration accentuée pour celles et ceux qui font le travail.

    Notre affaire de pommes de terre ne doit toutefois pas nous égarer. E.S. Phelps en a trouvé une autre qui s'achève à nouveau de façon significativement déséquilibrée : "Si vous pouvez produire 5 chapeaux, moi 2, et si, ensemble, nous pouvons en produire 8, il y a à l'évidence place pour un arrangement mutuellement avantageux entre nous - un arrangement dans lequel aucun de nous deux ne perd et l'un au moins gagne."

    Passons maintenant à quelque chose qui rend bien mieux compte de la pensée fondamentale qui anime notre gentil prix Nobel : "Supposez que l'on adjoigne un ouvrier aux inputs - une combinaison de terre, de capital et de tout autre ouvrier déjà présent - employés dans la production d'un bien quelque part. L'accroissement de production qui en résulte, étant donné les autres inputs, s'appelle le rendement de l'adjonction du travail de cet ouvrier - ou plus simplement le rendement de l'ouvrier supplémentaire. On peut également parler du rendement obtenu en agrandissant la surface du terrain ou de l'atelier, en ajoutant un tour, une agrafeuse, du combustible... - même si nous nous intéressons ici uniquement au rendement obtenu par adjonction de main-d'oeuvre de même type."

   Ayant indiqué que les termes soulignés le sont par E.S. Phelps, nous posons la question : Dans le partage inégalitaire qui préoccupe tant le professeur Phelps, quelle peut être la part des gains de coopération qui reviendront non pas seulement à l'ouvrier supplémentaire, mais à l'ensemble de la main-d'oeuvre? Input pour input, à quoi bon récompenser le travail humain plutôt que l'agrafeuse ou le combustible?...

    Effectivement, et c'est encore une de ces parenthèses massacrantes qui nous le fait savoir : "(Il peut, en réalité, y avoir des rendements croissants par additions successives d'unités supplémentaires de n'importe quel input.)" C'est toujours E.S. Phelps qui souligne.

    Or, évoquant le cadre général des diverses possibilités, il écrit encore : "Si l'on adjoint, l'un après l'autre, une série d'ouvriers (d'un type donné), il en résulte une série de rendements - croissants, décroissants ou fluctuants, selon les cas. L'hypothèse des rendements croissants du travail dit que l'introduction d'un second ouvrier dans un processus de production donné accroîtra la production davantage que ne l'avait fait l'introduction du premier. Et si les rendements continuent d'être croissants, le rendement obtenu par adjonction d'un troisième sera supérieur à celui qui résulte de l'adjonction du second."

    Désormais parfaitement informés de ce souci qu'a le professeur Phelps de souligner, sans se lasser, l'éventualité d'un déséquilibre dans le partage des fruits de la coopération, nous ne pouvons manquer de pressentir qu'avec lui, nous sommes passés dans le camp des "anticipateurs de l'autoréalisation de la profitabilité maximum". Et voici l'une de leurs martingales : "L'hypothèse selon laquelle il existe une phase des rendements croissants dit que, jusqu'à un certain point, lors d'adjonctions successives de travailleurs aux autres inputs - terre, capital, énergie, etc. (y compris, éventuellement, d'autres catégories de travailleurs) -, le rendement de chaque travailleur en plus est supérieur à celui du précédent. Aussi le second travailleur ajoute-t-il plus à la production que le premier. Et si les rendements continuent d'être croissants, un troisième ajoutera plus que le second - et ainsi de suite jusqu'à 'l'épuisement des rendements croissants'."

    Epuisement... Epuisement de qui?... Des pommes de terre, ou de celui et de celle qui les épluchent?



14 décembre 2011

31. Les gains de la coopération ou pourquoi convoler en justes noces

    Et c'est alors que nous aboutissons au chapitre 4 qui se présente comme un havre de paix et, vraisemblablement, de bonheur : "Les gains de la coopération". Est-ce par goût prononcé de l'ironie que le professeur Phelps a placé ici, en épigraphe, une petite phrase issue du film The African Queen? C'est Humphrey Bogart qui s'adresse à Katharine Hepburn : "D'accord. C'est toi qui tiendras la barre et moi qui m'occuperai du moteur, exactement comme c'était au départ." Autrement dit : "Tu t'occuperas du guidon, tandis que je pédalerai." C'est très élégant, et tout ce qu'il y a de plus féministe. Mais c'est aussi quelque peu pervers.

    Car nous pressentons que les "gains de la coopération" menacent d'être une autre façon de dire le souci principal des "entrepreneurs d'anticipations autoréalisantes" : "Pendant que tu feras le travail, je tiendrai la comptabilité générale."

    Mais non, mais non! s'exclame notre prix Nobel d'économie 2006... Le gain ne peut qu'être réciproque! Une voix mystérieuse nous glisse en effet à l'oreille que Jésus-Christ a déjà réussi l'une de ces manoeuvres de parenthèse miracle ou de chapeau à lapins qui font le charme de l'enfant qui subsiste en nous : il a multiplié les poissons et les petits pains.

    Edmund S. Phelps y vient à son tour devant nos yeux écarquillés : "Il existe, pour deux personnes, un gain potentiel à collaborer dans la production chaque fois que le niveau de production obtenu en collaboration est supérieur à la somme des productions que chacun atteindrait en travaillant seul." Magnifique, n'est-ce pas? Et vérifiable par tout un chacun : prenez un couple ordinaire et placez-le devant 10 kilos de pommes de terre... Sûr, qu'il va les éplucher en beaucoup moins de temps qu'il n'en faudrait à nos deux cobayes agissant séparément et sans la moindre conscience d'être entrés, malgré eux, dans une compétition à distance... A partir de quoi, il sera tout à fait logique de leur recommander très vivement... un mariage en bonne et due forme.

    Et voilà comment E.S. Phelps va vous fabriquer la société idéale : à partir de l'amélioration miraculeuse de la productivité du travail autour d'une montagne de pommes de terre, ou de tout ce qui pourra en tenir lieu...

    Non, non, bien sûr : ce n'est pas aussi simple. Car, dès le dernier mot de la phrase citée annonçant indirectement l'éventuel royaume de l'égalité devant les quantités individuelles d'épluchures, voici que se présente déjà tout autre chose : "Alors, et alors seulement, la production obtenue en collaboration est suffisante - comparée à la somme de ce que les deux personnes peuvent produire séparément - pour que l'une de celles-ci au moins puisse percevoir une rémunération supérieure à ce qu'elle aurait produit seule, sans que l'autre reçoive moins que ce qu'elle aurait produit seule (cette dernière peut même percevoir un peu plus elle aussi)."

    Ce qu'il faut admirer ici, c'est la très délicate formule que nous trouvons - une fois encore - dans une petite parenthèse... Il semble bien s'agir ici d'une minime, mais combien encourageante, hausse de salaire accompagnant la hausse de la productivité du travail... libéralité toujours "possible" de la part des "anticipateurs" qui veulent mettre toutes les chances de leur côté dans la possible "autoréalisation" de leurs rêves de "profitabilité maximum".

    Ainsi donc les vrais bénéficiaires des "gains de la coopération" sont-ils déjà sur le coup. Mais nous ne faisons encore que le pressentir.

12 décembre 2011

30. Ce bel équilibre qui garantit la pérennisation du totalitarisme économique

    La fiction du prix d'équilibre et son extension à l'équilibre économique de la société capitaliste dans son ensemble se sont tellement emparées de l'esprit d'Edmund S. Phelps et de ses collègues qu'elles auront fini par s'établir comme le juge de paix de toute la vie économique, et comme une expression de ce qu'Aristote appelait le "souverain bien". 

    Il est essentiel de souligner qu'elles exigent tout simplement la suppression de la temporalité... puisque la temporalité - expression de la matière en mouvement dans un temps irréversible - est, par définition, un déséquilibre permanent.

    Au surplus, ramener la pensée d'Adam Smith à cette notion d'équilibre, c'est faire fi de l'effort qui marque l'ensemble de la "Recherche" pour obtenir une maîtrise minimale de la dialectique qui opère entre le travail d'un côté, le capital et la rente de l'autre, sans aucunement nier l'existence de cette dialectique elle-même.

    C'est pourtant ce qu'E.S. Phelps et ses compagnons du Barnum Circus croient avoir obtenu puisque le prix Nobel 2006 écrit : "L'une des vraies réussites de l'économie politique moderne a été de 'donner un sens' aux propos de Smith, d'élaborer ce qui constitue sans doute la meilleure et la plus sophistiquée des défenses de ses thèses en faveur de l'économie capitaliste concurrentielle ; et, ce faisant, l'économie politique a, du même coup, découvert certaines limites de la conception de Smith."

    Victoire à la Pyrrhus?... Au regard de cette fiction intenable d'un quelconque équilibre, il ne peut en aller autrement. E.S. Phelps en convient : "Mais le grand débat avec Adam Smith est loin d'être terminé. Pour une part, il concerne le fait de savoir si une économie hautement capitaliste fonctionne habituellement en équilibre."

    Rappelons-le : qu'elle fonctionne "habituellement" en équilibre, cela voudrait dire qu'"habituellement" les anticipations "autoréalisantes" des entrepreneurs seraient rejointes par la "réalité économique" qui pourrait, dès lors, être réputée "en équilibre".

    Evidemment, la société capitaliste n'est pas uniquement constituée d'entrepreneurs... Que la société soit déclarée "en équilibre", lorsque ceux-ci voient le réel se plier à "leur" conception de l'équilibre (le profit maximum "anticipable") ne suffit peut-être pas à faire de leur "souverain bien" la seule condition d'un "bien" commun à l'ensemble des "sociétaires"...

    Mais cela n'est sans doute qu'une "vision" d'extraterrestre, puisque notre gentil professeur nous rétorque déjà : "On pourrait pardonner à un visiteur débarquant de quelque paisible planète qui, observant les hauts et les bas du chômage et de l'inflation, supposerait que les économies occidentales ont, ces derniers temps, connu de violents accès de déséquilibre. Mais savoir s'il s'agit ou non de déséquilibres n'est pas une question aussi évidente qu'il y paraît, comme nous essayerons de le montrer dans la septième partie."

    Gare donc à la septième partie!

    Pour l'instant, nous en restons à cette idée que la fiction d'un équilibre appuyé sur les anticipations autoréalisantes des entreprises menace d'être utilisée pour anéantir toute dénonciation des déséquilibres qui pourraient subsister dans la réalité même de la vie économique.

    Et voici que, sans crier gare, E.S. Phelps établit cette étonnante figure du totalitarisme économique du mode capitaliste de production : "On dit qu'une économie est en équilibre si tous les participants sont eux-mêmes en équilibre. Il n'est probablement pas fréquent que les économies soient exactement en équilibre ; il est probable que certaines personnes soient en déséquilibre à certains moments. Mais quand l'économiste élabore un modèle théorique d'une économie sociale, il trouve terriblement commode de supposer - du moins comme point de départ - que l'économie est en équilibre."

    Gageons que, sur ce terrain, il ne peut qu'être rejoint par les maîtres de l'anticipation entrepreneuriale autoréalisante...

    Ce qui ne saurait manquer d'apparaître comme "terriblement" inquiétant pour celles et ceux qui doivent se contenter de subir cet équilibre qui n'est décidément pas le leur, et qui - c'est un comble - leur interdit d'aller "penser" leurs propres déséquilibres, puisque ceux-ci n'en sont pas...

    ... la preuve paraissant devoir nous en être administrée dans la septième et ultime partie de cet ouvrage de 700 pages...

11 décembre 2011

29. Une des clés du succès : l'anticipation autoréalisante de profitabilité

    En face des demandeurs captifs, nous trouvons donc les offreurs-anticipateurs actifs et décideurs... Autrement dit, les entrepreneurs, ceux qui sont, au premier chef, intéressés à ce que l'équilibre recherché soit obtenu. Aussi l'inititative est-elle de leur côté ainsi que le souligne E.S. Phelps : "Chaque entreprise est confrontée au problème de décider quels biens produire, si elle produit quelque chose, et quelle quantité de chaque bien."

    Sur quelle base peut-elle appuyer sa décision? Réponse d'Edmund S. Phelps : "L'hypothèse classique suppose que les entreprises capitalistes tranchent de telles questions sur la base de la profitabilité anticipée : si le prix que l'entreprise anticipe être en mesure de pratiquer pour ce bien, une fois produit, est bas, alors les considérations de profitabilité sont là pour avertir cette entreprise de ne pas trop s'engager dans la production de ce bien ; à un prix plus élevé, l'entreprise sera disposée à produire davantage - jusqu'au point où il lui semble pouvoir atteindre le profit anticipé maximum. La réaction de l'offre de chaque entreprise au prix anticipé (et aux prix anticipés des autres biens) détermine donc la quantité mise en vente [...]." "Profitabilité" et puis "profit anticipé maximum", qu'est-ce à dire? Notre prix Nobel serait-il sur le point d'en revenir à l'économie classique, et aux fruits qu'elle a produits pour alimenter la pensée de Karl Marx? Mais refermons vite cette petite parenthèse....

    Comment et à quel moment reconnaître que le prix anticipé sur la base d'une "profitabilité anticipée" est ce fameux prix d'équilibre dont nous ne savons pas encore de quelle vertu on devrait le parer? Le professeur Phelps vient alors à notre rescousse : "On se souvient que prix d'équilibre signifie prix correctement anticipé. Quand les entreprises qui fournissent le marché se trouvent anticiper toutes le bon prix, c'est le prix d'équilibre ; quand elles se trompent toutes, elles (ou leurs anticipations de prix) ne sont pas en équilibre. Pour calculer ce prix d'équilibre, il faut se poser la question suivante : quelle est l'anticipation de prix qui, si elle était commune à toutes les entreprises fournisseuses, les inciterait à offrir une quantité du bien telle que le prix effectivement pratiqué sur le marché soit égal à ce prix anticipé?"

    Autrement dit, le prix d'équilibre est celui qui permet à la fiction de rejoindre la réalité. A moins que ce ne soit le contraire... En effet, et comme notre prix Nobel n'hésite pas à l'écrire, si l'anticipation correspond au prix d'équilibre : "Cette anticipation, et celle-là seule, se révélera donc être autoréalisante." Raisonnement qui rejoint le dérisoire : "Je vous l'avais bien dit" de toutes celles et ceux qui n'ont de cesse de venir bravement au secours de la victoire...

    Il ne faudrait cependant pas perdre de vue que le côté dérisoire de l'anticipation autoréalisante qui se traduit dans ce précipité improbable qu'on appelle le "prix d'équilibre" masque un côté bien plus important : celui qui se rattache à ce que nous avons appelé la "cause principale du déterminisme" qui donne au "choix rationnel" le moyen de faire du demandeur un captif, et qui concerne l'obtention du "montant de richesse" avec lequel ce demandeur se présente sur le marché des biens de consommation...

    Le "profit", si bien précédé de la "profitabilité anticipée" sur laquelle s'appuyent les anticipations éventuellement autoréalisantes des entrepreneurs, n'y serait-il pas un peu intéressé?

    C'est ce qu'E.S. Phelps ne semble pas très décidé à nous dire.

10 décembre 2011

28. L'équilibre de la domination

    Extrayons les éléments saillants de la dernière phrase citée d'Edmund S. Phelps... En concurrence pure, le prix et la quantité d'équilibre d'un bien sont déterminés par deux forces - l'offre et la demande.

    Comme nous l'avons vu, notre prix Nobel limite - pour l'instant tout au moins - son observation aux seuls biens de consommation... Le rapport de force qu'il nous invite à considérer doit donc s'opérer autour de cette catégorie de biens qui mettent en présence producteurs et consommateurs. Par "producteurs", il est hors de question d'entendre "travailleurs". Il faut bien sûr penser "chefs d'entreprise".

    Tout au contraire, par "consommateurs", il faut effectivement entendre les "gens", le tout-venant, etc..., sans distinction, c'est-à-dire, pour leur grande majorité, des travailleurs ou des travailleuses, donc des individus qui tirent, directement ou indirectement, leurs revenus du travail présent, ou d'un travail passé (retraités).

    Au moment où ils se comportent en consommateurs, et non plus en travailleurs, ces "braves" gens se placent du côté de la demande de biens de consommation. Or, comme nous le rappelle le professeur Phelps : "Selon la théorie du choix rationnel [...], une personne disposant d'un certain ensemble d'opportunités fait un choix unique - il n'y a aucune indétermination. Dès lors, une personne confrontée aux prix, observables, de tel et tel biens, disposant de tel montant de richesse et ayant telles anticipations de revenu et de prix futurs, choisira des quantités bien définies de chacun des biens qu'elle achète."

    A quel endroit joue la cause principale du déterminisme en question? Est-ce au moment de la décision d'achat, ou à celui de l'obtention du "montant de richesse" et du développement du contexte où s'opèrent les "anticipations du revenu futur", c'est-à-dire sur le lieu de travail?...

    Il est très clair que, dans le moment de l'achat de biens de consommation, il n'est plus temps pour l'acquéreur d'essayer d'intervenir sur la question du développement éventuel de son pouvoir d'achat d'aujourd'hui ou de demain : il faut faire avec celui qui est immédiatement utilisable en monnaie sonnante et trébuchante, ou selon un crédit à la consommation dont la dimension est, pour sa part, déjà fixée.

    Et soulignons, sans plus, que cette rigidité est elle-même la conséquence imparable d'une concurrence "pure" régnant sur le marché du travail. Or, de celle-ci, E.S. Phelps ne nous a toujours pas dit un traître mot. Alors que, sans elle, l'autre concurrence ne veut absolument plus rien dire. Nous y reviendrons sans doute...

    Retournons maintenant à nos "moutons"... Du côté de la demande, nous rencontrons donc des individus captifs : ils se retrouvent sans plus aucune possibilité de sortir du chemin qui leur est tracé. De leur côté effectivement, et comme E.S. Phelps le souligne : "Il n'y a aucune indétermination."

    Passons alors du côté des "loups" : les maîtres de l'offre, ou encore les champions de la bonne anticipation. Le professeur Phelps manifeste ici un réel plaisir à nous dire le rôle  éminent qui est le leur : "D'accord, la quantité offerte d'un bien détermine son prix sur un marché purement concurrentiel. Mais qu'est-ce qui détermine la quantité offerte? Réponse : le prix que les offreurs anticipent, et la courbe d'offre qui représente les décisions de production résultant de cette anticipation."

    Anticipation de quoi, mesdames et messieurs les responsables de l'offre?...

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