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Michel J. Cuny lit et commente Edmund S. Phelps, prix Nobel d'économie 2006
15 décembre 2011

32. Jusqu'à épuisement des stocks

    Commençons par régler la question du miracle de la multiplication des pommes de terre épluchées... Si elles s'épluchent plus vite en tête-à-tête, c'est que chacun des deux protagonistes produit davantage parce que l'émulation le porte à accélérer ses gestes - à s'exploiter davantage en termes de fatigue, de danger de s'éplucher les doigts par la même occasion, etc... Le miracle des gains de coopération est ici tout simplement une affaire de transpiration accentuée pour celles et ceux qui font le travail.

    Notre affaire de pommes de terre ne doit toutefois pas nous égarer. E.S. Phelps en a trouvé une autre qui s'achève à nouveau de façon significativement déséquilibrée : "Si vous pouvez produire 5 chapeaux, moi 2, et si, ensemble, nous pouvons en produire 8, il y a à l'évidence place pour un arrangement mutuellement avantageux entre nous - un arrangement dans lequel aucun de nous deux ne perd et l'un au moins gagne."

    Passons maintenant à quelque chose qui rend bien mieux compte de la pensée fondamentale qui anime notre gentil prix Nobel : "Supposez que l'on adjoigne un ouvrier aux inputs - une combinaison de terre, de capital et de tout autre ouvrier déjà présent - employés dans la production d'un bien quelque part. L'accroissement de production qui en résulte, étant donné les autres inputs, s'appelle le rendement de l'adjonction du travail de cet ouvrier - ou plus simplement le rendement de l'ouvrier supplémentaire. On peut également parler du rendement obtenu en agrandissant la surface du terrain ou de l'atelier, en ajoutant un tour, une agrafeuse, du combustible... - même si nous nous intéressons ici uniquement au rendement obtenu par adjonction de main-d'oeuvre de même type."

   Ayant indiqué que les termes soulignés le sont par E.S. Phelps, nous posons la question : Dans le partage inégalitaire qui préoccupe tant le professeur Phelps, quelle peut être la part des gains de coopération qui reviendront non pas seulement à l'ouvrier supplémentaire, mais à l'ensemble de la main-d'oeuvre? Input pour input, à quoi bon récompenser le travail humain plutôt que l'agrafeuse ou le combustible?...

    Effectivement, et c'est encore une de ces parenthèses massacrantes qui nous le fait savoir : "(Il peut, en réalité, y avoir des rendements croissants par additions successives d'unités supplémentaires de n'importe quel input.)" C'est toujours E.S. Phelps qui souligne.

    Or, évoquant le cadre général des diverses possibilités, il écrit encore : "Si l'on adjoint, l'un après l'autre, une série d'ouvriers (d'un type donné), il en résulte une série de rendements - croissants, décroissants ou fluctuants, selon les cas. L'hypothèse des rendements croissants du travail dit que l'introduction d'un second ouvrier dans un processus de production donné accroîtra la production davantage que ne l'avait fait l'introduction du premier. Et si les rendements continuent d'être croissants, le rendement obtenu par adjonction d'un troisième sera supérieur à celui qui résulte de l'adjonction du second."

    Désormais parfaitement informés de ce souci qu'a le professeur Phelps de souligner, sans se lasser, l'éventualité d'un déséquilibre dans le partage des fruits de la coopération, nous ne pouvons manquer de pressentir qu'avec lui, nous sommes passés dans le camp des "anticipateurs de l'autoréalisation de la profitabilité maximum". Et voici l'une de leurs martingales : "L'hypothèse selon laquelle il existe une phase des rendements croissants dit que, jusqu'à un certain point, lors d'adjonctions successives de travailleurs aux autres inputs - terre, capital, énergie, etc. (y compris, éventuellement, d'autres catégories de travailleurs) -, le rendement de chaque travailleur en plus est supérieur à celui du précédent. Aussi le second travailleur ajoute-t-il plus à la production que le premier. Et si les rendements continuent d'être croissants, un troisième ajoutera plus que le second - et ainsi de suite jusqu'à 'l'épuisement des rendements croissants'."

    Epuisement... Epuisement de qui?... Des pommes de terre, ou de celui et de celle qui les épluchent?



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