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Michel J. Cuny lit et commente Edmund S. Phelps, prix Nobel d'économie 2006
19 décembre 2011

36. Toujours avoir le souci de bien presser le citron

    Dans les systèmes de travail tels qu'ils sont établis à l'intérieur du capitalisme, la coopération est-elle le résultat de la volonté d'individus attachés à mettre en oeuvre à la fois leurs qualités "naturelles" et l'amélioration que l'expérience peut y apporter pour qu'en fin de compte chacun ou chacune puisse donner le meilleur de soi-même au sein d'une société dont la généralisation de cette attitude rendrait la richesse économique maximale dans la dimension collective tout autant que dans la dimension individuelle?

    Non, bien évidemment, puisque l'appropriation privée des moyens de production repose sur la nécessité, pour les propriétaires de capitaux, d'accaparer très soigneusement les gains de coopération issus de la diversité des travaux qui s'effectuent sous leur direction...

    D'où la pauvreté fondamentale d'un pourcentage important des situations de travail qu'"offre" le salariat. E.S. Phelps, après avoir un peu monté en épingle les activités de sociétés primitives redessinées, dirait-on, par Walt Disney, nous fait la grande concession d'en convenir : "Dans les sociétés technologiquement avancées, au contraire, le travail effectué par la plupart des gens n'a que peu de rapports avec leurs dons et leur éducation. Il se peut qu'un travailleur n'accomplisse qu'une seule opération répétitive ne faisant absolument pas appel à l'ensemble des attributs qui le distinguent des autres travailleurs. Il n'a pas le loisir de produire le bien comme il l'entend, d'exercer son intelligence, de mettre son endurance à l'épreuve - il n'est, en pratique, qu'un robot, une partie de l'équipement au même titre que le tour, la machine à écrire, ou la calculatrice qu'il utilise."

    Et c'est alors que nous allions le féliciter pour cette lucidité sociale vraiment exceptionnelle chez lui, qu'il se donne les moyens de rebasculer dans l'autre camp, et cela ne sera pas sans conséquence comme nous le constaterons après lecture de cette petite citation : "De nos jours, le lieu de travail constitue, pour la plupart des participants de l'économie, un environnement beaucoup moins déplaisant qu'il ne l'était du temps de Marx."

    C'est vrai également : comme quoi, tout est relatif... Mais ne nous laissons pas aller à trop de facilité... Nous sommes en présence ici d'une nouvelle génération de gains de coopération, certains qui ne sont encore que potentiels, d'autres qui sont bien là, mais qui tombent dans l'escarcelle des... travailleurs.

    Pour sa part, notre prix Nobel ne perd surtout pas le nord. Qu'on en juge : "Les questions intéressantes concernent le fait de savoir si cet environnement pourrait être rendu plus stimulant pour les gens qui y travaillent, sans que la production des biens (autres que la satisfaction dans le travail) n'en souffre ; et, dans le cas contraire, si les travailleurs seraient disposés à payer le montant de la réduction de production, ou davantage, sous forme d'une diminution de revenu, et donc de consommation, pour ces améliorations de leurs conditions de travail."

    Nous avons donc la réponse très officielle de l'économie politique universitaire à la question que nous nous posions à propos du sort éventuel des "rémunérations non pécuniaires" dès le huitième paragraphe de la rubrique que nous intitulions : "Quand l'économie politique feint de se saborder." Il faudrait donc qu'elles soient déduites de la paie.

    Nous sommes ici au coeur d'une part significative des perspectives d'intervention qui s'ouvrent aujourd'hui pour une gestion "optimale" des ressources humaines.

    Jusqu'à produire, directement ou indirectement, un effet de résistance individuelle assez significatif : le suicide.

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