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Michel J. Cuny lit et commente Edmund S. Phelps, prix Nobel d'économie 2006
2 novembre 2011

9. Le capital et sa boîte à malice

    Pour clore la rubrique qu'il a ouverte à une première définition du capital, E.S. Phelps écrit : "Dans l'économie d'une société, le capital comprend aussi les ressources morales et politiques ; sans l'apport de ses coutumes et de ses institutions élémentaires, aucune société ne pourrait mettre en place ni préserver le moindre ensemble de règles concernant la participation à l'économie - il n'y aurait que chaos et conflits, ou repli sur des entités autosuffisantes."

    De même que nous l'avons précédemment vu à propos des "ressources intellectuelles" qu'il rangeait déjà dans l'orbe du capital, voici que le prix Nobel y place les "ressources morales et politiques". Mais cette fois-ci, il ne s'agit pas d'un élément qui aurait été partagé avec les caractéristiques du travail.

    De tout ceci se déduit assez facilement que l'ensemble des superstructures intellectuelles, morales et politiques sont le couronnement idéologique du capital, c'est-à-dire l'atmosphère en l'absence de quoi il ne peut vivre et prospérer : le droit, la démocratie, une certaine liberté, une certaine égalité, une certaine fraternité sans lesquelles il n'y aurait que "chaos et conflits, ou repli sur des entités autosuffisantes".

    Le peuple des travailleurs appréciera...

    Mais le capital, lui, est désormais apte à entrer dans ses grandes manoeuvres selon les voies qui sont les siennes, c'est-à-dire en particulier une aspiration généralisée aux biens [de consommation].

    E.S. Phelps fait alors apparaître, dans son unanimité et sa solidarité de classe, la phalange universitaire à laquelle il appartient et qui ne peut que le reconnaître comme l'un de ses phares : "Lorsque les économistes parlent de l'affectation des ressources d'une économie, ils entendent par là la manière dont chaque unité de ces ressources est utilisée - à la production de quel bien sert-elle? - et la manière dont le produit obtenu est réparti entre les participants."

    S'il y a donc effectivement une dépendance marquée entre les divers biens et les aspirations qui en sous-tendent l'intérêt pour leurs "consommateurs", "parler d'une économie sans aspirations serait une contradiction terme à terme : en revanche, on pourrait concevoir, en imagination du moins, une économie dans laquelle les aspirations concernant tous les biens disponibles seraient limitées. Dans une telle économie, il se pourrait que les ressources disponibles pour produire ces biens soient si abondantes que les aspirations de chacun concernant tous les biens productibles seraient complètement satisfaites - une économie d'abondance : chacun ne travaillerait que jusqu'au moment où travailler davantage ne procurerait plus aucun plaisir, de sorte que toutes les satisfactions possibles qu'apporte le travail seraient complètement exploitées."

    Les conditionnels sont en effet très bienvenus et d'ailleurs très bien venus.

    Ainsi, nous constatons que, grâce au capital et à ses vertus intrinsèques, nous n'échappons que de peu à une vie paradisiaque, pour autant que l'économie libérale a quelque chance d'en être la condition nécessaire et suffisante.

    Car, si sa rhétorique est assez "fabuleuse", E.S. Phelps n'a pas, lui, perdu le fil de la dichotomie toujours aussi fondamentale et jamais avouée du travail et du capital. La preuve?... Nous la tenons dans la suite de ce même paragraphe : "Et à ces efforts, à la technologie et à l'abondance des ressources naturelles et des ressources en biens capitaux, les désirs de chacun de disposer des biens produits seraient eux aussi pleinement comblés."

    "Biens capitaux", d'une part. "Biens [de consommation] produits", d'autre part.

    A chaque fois, à chaque fois, à chaque fois, le lapin est encore et toujours déjà dans le chapeau...

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